Que le FC Barcelone soit loué
Ce qui fait la beauté et la majesté de la plus grande équipe de foot au monde.
Un sentiment particulier d’euphorie, une sorte d’ébahissement olympique anime les fans de football lorsqu’ils regardent jouer le F.C. Barcelone. Le football est un sport qui prend des athlètes et les rends artificiellement maladroits – car il les contraint à faire de leur mieux, avec les bras liés dans le dos. C’est un jeu d’astuce, un de ceux qui transforment la plus simple action, conserver la possession de la balle, en un dangereux numéro d’équilibriste. Mais Barcelone fait des passes, et des passes – 938 lors de sa victoire 5-0 contre la Real Sociedad – et renverse les défenses aussi facilement que l’on fait tourner un kaléidoscope. Voilà trois ans qu’ils règnent en maître sur le football mondial, et c’est comme s’ils n’avaient toujours pas réalisé qu’ils jouent à 20 mètres au-dessus du sol.
Barcelone ne joue pas seulement le plus beau football du monde. Barcelone gagne, gagne et gagne encore. Sous la direction de Pep Guardiola, l’ancien capitaine adulé de cette équipe et qui en a pris les rênes en 2008, Barcelone a gagné 108 matchs (et en a perdu 13), un titre de Champion’s League, deux titres de Liga espagnole, une Coupe FIFA des clubs, une super coupe de l’UEFA, une Copa del Rey et deux Supercopa de España. (Oui: depuis 2008 seulement). Barcelone aligne le meilleur joueur du monde, Lionel Messi, une petite dynamo argentine qui a déménagé en Espagne très jeune après que le club ait accepté de financer le traitement de la maladie de croissance dont il souffrait et dont le talent crève à ce point les yeux et d’une manière si surréaliste que j’ai pu entendre un commentateur réagir à l’une de ses fulgurances en hurlant: «On dirait un tout petit taureau couvert d’yeux!» Un nombre inhabituel de stars de Barcelone est issu de son centre de formation, La Masia. Ce centre est si bon que les trois finalistes pour le titre de ballon d’or FIFA, ce prestigieux titre européen, en sont issus. (Et tous les trois, naturellement, jouent à Barcelone, Messi venant d’être à nouveau couronné.) Six des onze titulaires de l’équipe d’Espagne lors de la finale de la coupe du monde jouent à Barcelone, dont Andrés Iniesta, qui marqua le but de la victoire. Barcelone a remporté ses cinq derniers matchs de Ligue par un score combiné de 26-1 (au 23 décembre, date de parution de cet article en anglais sur Slate.com).
Magique
Tout ce que fait Barcelone semble nimbé d’une aura de succès innocent et merveilleux, sorti tout droit de Chrétien de Troyes. Assez pour rendre fou n’importe qui et si vous êtes fan de l’Inter, le seul club à pouvoir rivaliser avec Barcelone au titre de «Club du Moment» (cinq championnats d’Italie d’affilée, une victoire contre Barcelone en finale de la Champion’s League l’an dernier et une attention bien moindre des médias), de quoi vous rendre aigri et vous pousser à boire pour oublier. Mais si la machine à raconter des histoires du club est parvenue à imposer son programme – guérir les malades, chercher le Graal, etc. – à tous les médias sportifs de la planète, cette équipe n’attire étonnamment que fort peu de sarcasmes. Ceci est peut-être dû au fait qu’à l’inverse de leurs rivaux, géographiques, politiques, sociaux et cosmiques du Real Madrid, les joueurs de Barcelone sont curieusement ternes. Cristiano Ronaldo, l’action-man à la mode du Real Madrid ressemble à une invitation à la séance photo, avec le col perpétuellement relevé. Quelqu’un sait-il, par contraste, ce que Lionel Messi pense? Début 2010, un tabloïd anglais a balancé une histoire bidon qui racontait que Messi avait formé un groupe de reprises du groupe Oasis qui tournait dans le plus grand secret et de nombreuses personnes y ont cru. Et pourquoi pas? Barcelone a encouragé ce relatif anonymat en bâtissant des plans de développement sur le long terme autour de ses joueurs issus de son centre de formation, revendant les superstars – Ronaldinho, Henry, Eto’o ou Ibrahimovic – pourvues d’un ego plus développé.
Pour comprendre à quel point Barcelone est apprécié par les aficionados du football, il est nécessaire de sentir la tension entre idéalisme et pragmatisme, au cœur de l’histoire récente de ce sport. Une croyance très répandue parmi les fans de football est que le style de jeu que les gens aiment à regarder –fluide, offensif, «généreux» comme le disent certains commentateurs – ne permet pas de gagner des matchs. Pour gagner, il faut donc, à en croire cette théorie, jouer défensif, être organisé, prudent, méfiant. Il faut jouer dur et profiter du chaos du jeu plutôt que de tenter de le contrôler ou de le construire. Cette vision est à rapprocher de certains clichés courants aux Etats-Unis sur les «fondamentaux» et les victoires en championnat fondées sur la défensive. L’histoire internationale du football regorge (Hollande 74, Brésil 82, Arsenal 2005-2010) d’équipes de feux follets qui jouent avec élégance, séduisent le monde entier – et perdent. Les dernières grandes équipes – dont le Chelsea et l’Inter de Mourinho – construisent leur jeu depuis l’arrière et gagnent principalement en ne lâchant rien.
Concilier beau jeu et efficacité
Ce style de jeu à la «crash-reboot» est efficace, mais il n’est pas amusant. Ou, pour le dire autrement, il emmène le jeu à des kilomètres de son (grand) potentiel de grâce, de poésie ou d’ébahissement. Barcelone, gracieusement et merveilleusement, a contourné le bloc entier de cette sagesse conventionnelle. Barcelone gagne, et gagne qui plus est en pratiquant un des jeux les plus fluides, les plus offensifs et généreux qu’il soit possible de voir sur un terrain de football. Le tiki-taka de Guardiola nécessite une importante possession de balle – il n’est pas rare que leur pourcentage dépasse allègrement les 70% - des passes millimétrées et une construction permanente qui culmine par des attaques rapides et précises. Le modèle de Barcelone, lent, glissant et changeant en permanence va à l’encontre d’un autre cliché du sport. Nous avons pour habitude de considérer les performances individuelles comme flamboyantes et excitantes et les performances d’équipe comme disciplinées et méthodiques. Mais les stars sans affect de Barcelone (et qui ne manquent pas de brio) déplacent le ballon avec tant de clairvoyance que l’équipe elle-même devient un instrument de flair.
Le style de Barcelone s’est étalé en large lors de sa dernière confrontation avec Madrid, un match que Barcelone a remporté, ça n’a échappé à personne, 5-0. Ce fut une démonstration éblouissante de désinvolture impitoyable, administrée à une des équipes les plus riches en vedettes internationales au monde. Les matchs de football paraissent à demi-accidentels; là, le ballon semble glisser le long d’une toile d’araignée, obéissant au doigt et à l’œil de l’équipe barcelonaise. La marque de fabrique de Barcelone est son intense volume de jeu au milieu et son 4-3-3 articulé autour de Xavi, le meneur de jeu subtil et ingénieux de cette équipe, tandis que ce soir-là, les attaquants semaient la pagaille dans la défense madrilène. Dès qu’une ouverture apparaissait, quelqu’un s’y glissait. Et généralement, quelqu’un marquait.
Une sorte de magie terrestre plane sur les matchs dans lesquels une des équipe dispose d’un contrôle parfait de la balle. Vous n’assistez pas à un truc d’illusionniste: vous assistez à un truc d’illusionniste hallucinant. Un de ceux qui vous font douter de vos yeux. A la 10e minute de ce match contre Madrid, Iniesta s’empare du ballon, s’élance vers l’avant en dribblant dans une position légèrement décalée à gauche. Quatre défenseurs madrilènes lui tombent dessus, mais lui recule légèrement pour repiquer à l’intérieur, à 20 mètres du but, et emporter le ballon vers le milieu du terrain. Les défenseurs, pantois, tentent de suivre le mouvement et se demandent s’il faut rester avec Iniesta ou suivre David Villa, l’attaquant de Barcelone, qui commençait à s’échapper devant eux. Ce moment d’indécision ouvre un espace qui permet à Xavi de surgir dans la surface de réparation. Iniesta lui passe alors la balle en profondeur, transperçant le rideau de quatre défenseurs devant lui, une passe hors de portée des deux défenseurs situés entre ce premier groupe et Xavi. Mais la balle frappe, peut-être par accident, Xavi sur le talon et, peut-être encore par accident, ce dernier la propulse dans les airs, au-dessus de sa tête et la récupère, alors qu’il a repris sa course et se trouve à présent à deux mètres du gardien, avec le devant du même pied qu’il avait utilisé pour la talonnade, et la renvoie en l’air, cette fois au-dessus du gardien et dans les filets, le tout sans qu’elle ait touché le sol. C’est un geste incroyable et, après le match, l’entraîneur de Madrid, Jose Mourinho confessa que la méthode offensive de Barcelone avait rendu Madrid «impuissant».
Hors du terrain
Bien sûr, il y a derrière cette magie une mécanique financière bien huilée. Une des choses les plus étranges à propos de Barcelone est la manière dont sa titanesque subdivision marketing cannibalise les réussites du club tout en les permettant. Barcelone est més que un club, plus qu’un club, comme le dit son slogan, car il tente de maintenir son statut, tant esthétique que comme pilier affirmé de la culture catalane. (Sous Franco, alors que l’identité régionale catalane était étouffée, le stade faisait partie des rares lieux où le catalan pouvait être parlé en public.) Mais si Barcelone parvient à maintenir son niveau d’excellence, cela est dû pour l’essentiel au fait que cette identité du mès que un club est une marque lucrative – le club a gagné près de 450 millions d’euros l’an dernier grâce à ses belles histoires de gamins sortis de son centre de formation et de vertu bien emballée – qui lui permet de rester dans la course face à ses concurrents aux pieds d’argile. Le club est parfois pris pour cible pour son hypocrisie, qui ne détonnerait pourtant pas chez Manchester United, par exemple, en vendant son t-shirt à un sponsor pour la première fois cette année ou en ayant appuyé la candidature du Qatar à la Coupe du Monde. Le paradoxe tient naturellement au fait que si vous souhaitez utiliser Messi afin de promouvoir une forme d’enrichissement culturel qui transcende le football, il faut naturellement pouvoir vous payer Messi, ce qui vous pousse parfois à promener votre étalon blanc afin d’en obtenir des formes d’enrichissement plus matériels.
Le monde est ainsi fait et cet échange permanent entre le commerce et la joie, le sentimentalisme et le vol, entre l’ébahissement authentique et les Bridgestone Awesome MomentsTM, est la marque du sport moderne. Mais au moins, Barcelone parvient à jongler entre ces extrêmes avec un aplomb supérieur à la moyenne. C’est un des tours que le club arrive à jouer alors qu’il semble planer au dessus du reste, tout en maintenant son équilibre et en proposant son spectacle inoubliable.
Brian Phillips
Ce qui fait la beauté et la majesté de la plus grande équipe de foot au monde.
Un sentiment particulier d’euphorie, une sorte d’ébahissement olympique anime les fans de football lorsqu’ils regardent jouer le F.C. Barcelone. Le football est un sport qui prend des athlètes et les rends artificiellement maladroits – car il les contraint à faire de leur mieux, avec les bras liés dans le dos. C’est un jeu d’astuce, un de ceux qui transforment la plus simple action, conserver la possession de la balle, en un dangereux numéro d’équilibriste. Mais Barcelone fait des passes, et des passes – 938 lors de sa victoire 5-0 contre la Real Sociedad – et renverse les défenses aussi facilement que l’on fait tourner un kaléidoscope. Voilà trois ans qu’ils règnent en maître sur le football mondial, et c’est comme s’ils n’avaient toujours pas réalisé qu’ils jouent à 20 mètres au-dessus du sol.
Barcelone ne joue pas seulement le plus beau football du monde. Barcelone gagne, gagne et gagne encore. Sous la direction de Pep Guardiola, l’ancien capitaine adulé de cette équipe et qui en a pris les rênes en 2008, Barcelone a gagné 108 matchs (et en a perdu 13), un titre de Champion’s League, deux titres de Liga espagnole, une Coupe FIFA des clubs, une super coupe de l’UEFA, une Copa del Rey et deux Supercopa de España. (Oui: depuis 2008 seulement). Barcelone aligne le meilleur joueur du monde, Lionel Messi, une petite dynamo argentine qui a déménagé en Espagne très jeune après que le club ait accepté de financer le traitement de la maladie de croissance dont il souffrait et dont le talent crève à ce point les yeux et d’une manière si surréaliste que j’ai pu entendre un commentateur réagir à l’une de ses fulgurances en hurlant: «On dirait un tout petit taureau couvert d’yeux!» Un nombre inhabituel de stars de Barcelone est issu de son centre de formation, La Masia. Ce centre est si bon que les trois finalistes pour le titre de ballon d’or FIFA, ce prestigieux titre européen, en sont issus. (Et tous les trois, naturellement, jouent à Barcelone, Messi venant d’être à nouveau couronné.) Six des onze titulaires de l’équipe d’Espagne lors de la finale de la coupe du monde jouent à Barcelone, dont Andrés Iniesta, qui marqua le but de la victoire. Barcelone a remporté ses cinq derniers matchs de Ligue par un score combiné de 26-1 (au 23 décembre, date de parution de cet article en anglais sur Slate.com).
Magique
Tout ce que fait Barcelone semble nimbé d’une aura de succès innocent et merveilleux, sorti tout droit de Chrétien de Troyes. Assez pour rendre fou n’importe qui et si vous êtes fan de l’Inter, le seul club à pouvoir rivaliser avec Barcelone au titre de «Club du Moment» (cinq championnats d’Italie d’affilée, une victoire contre Barcelone en finale de la Champion’s League l’an dernier et une attention bien moindre des médias), de quoi vous rendre aigri et vous pousser à boire pour oublier. Mais si la machine à raconter des histoires du club est parvenue à imposer son programme – guérir les malades, chercher le Graal, etc. – à tous les médias sportifs de la planète, cette équipe n’attire étonnamment que fort peu de sarcasmes. Ceci est peut-être dû au fait qu’à l’inverse de leurs rivaux, géographiques, politiques, sociaux et cosmiques du Real Madrid, les joueurs de Barcelone sont curieusement ternes. Cristiano Ronaldo, l’action-man à la mode du Real Madrid ressemble à une invitation à la séance photo, avec le col perpétuellement relevé. Quelqu’un sait-il, par contraste, ce que Lionel Messi pense? Début 2010, un tabloïd anglais a balancé une histoire bidon qui racontait que Messi avait formé un groupe de reprises du groupe Oasis qui tournait dans le plus grand secret et de nombreuses personnes y ont cru. Et pourquoi pas? Barcelone a encouragé ce relatif anonymat en bâtissant des plans de développement sur le long terme autour de ses joueurs issus de son centre de formation, revendant les superstars – Ronaldinho, Henry, Eto’o ou Ibrahimovic – pourvues d’un ego plus développé.
Pour comprendre à quel point Barcelone est apprécié par les aficionados du football, il est nécessaire de sentir la tension entre idéalisme et pragmatisme, au cœur de l’histoire récente de ce sport. Une croyance très répandue parmi les fans de football est que le style de jeu que les gens aiment à regarder –fluide, offensif, «généreux» comme le disent certains commentateurs – ne permet pas de gagner des matchs. Pour gagner, il faut donc, à en croire cette théorie, jouer défensif, être organisé, prudent, méfiant. Il faut jouer dur et profiter du chaos du jeu plutôt que de tenter de le contrôler ou de le construire. Cette vision est à rapprocher de certains clichés courants aux Etats-Unis sur les «fondamentaux» et les victoires en championnat fondées sur la défensive. L’histoire internationale du football regorge (Hollande 74, Brésil 82, Arsenal 2005-2010) d’équipes de feux follets qui jouent avec élégance, séduisent le monde entier – et perdent. Les dernières grandes équipes – dont le Chelsea et l’Inter de Mourinho – construisent leur jeu depuis l’arrière et gagnent principalement en ne lâchant rien.
Concilier beau jeu et efficacité
Ce style de jeu à la «crash-reboot» est efficace, mais il n’est pas amusant. Ou, pour le dire autrement, il emmène le jeu à des kilomètres de son (grand) potentiel de grâce, de poésie ou d’ébahissement. Barcelone, gracieusement et merveilleusement, a contourné le bloc entier de cette sagesse conventionnelle. Barcelone gagne, et gagne qui plus est en pratiquant un des jeux les plus fluides, les plus offensifs et généreux qu’il soit possible de voir sur un terrain de football. Le tiki-taka de Guardiola nécessite une importante possession de balle – il n’est pas rare que leur pourcentage dépasse allègrement les 70% - des passes millimétrées et une construction permanente qui culmine par des attaques rapides et précises. Le modèle de Barcelone, lent, glissant et changeant en permanence va à l’encontre d’un autre cliché du sport. Nous avons pour habitude de considérer les performances individuelles comme flamboyantes et excitantes et les performances d’équipe comme disciplinées et méthodiques. Mais les stars sans affect de Barcelone (et qui ne manquent pas de brio) déplacent le ballon avec tant de clairvoyance que l’équipe elle-même devient un instrument de flair.
Le style de Barcelone s’est étalé en large lors de sa dernière confrontation avec Madrid, un match que Barcelone a remporté, ça n’a échappé à personne, 5-0. Ce fut une démonstration éblouissante de désinvolture impitoyable, administrée à une des équipes les plus riches en vedettes internationales au monde. Les matchs de football paraissent à demi-accidentels; là, le ballon semble glisser le long d’une toile d’araignée, obéissant au doigt et à l’œil de l’équipe barcelonaise. La marque de fabrique de Barcelone est son intense volume de jeu au milieu et son 4-3-3 articulé autour de Xavi, le meneur de jeu subtil et ingénieux de cette équipe, tandis que ce soir-là, les attaquants semaient la pagaille dans la défense madrilène. Dès qu’une ouverture apparaissait, quelqu’un s’y glissait. Et généralement, quelqu’un marquait.
Une sorte de magie terrestre plane sur les matchs dans lesquels une des équipe dispose d’un contrôle parfait de la balle. Vous n’assistez pas à un truc d’illusionniste: vous assistez à un truc d’illusionniste hallucinant. Un de ceux qui vous font douter de vos yeux. A la 10e minute de ce match contre Madrid, Iniesta s’empare du ballon, s’élance vers l’avant en dribblant dans une position légèrement décalée à gauche. Quatre défenseurs madrilènes lui tombent dessus, mais lui recule légèrement pour repiquer à l’intérieur, à 20 mètres du but, et emporter le ballon vers le milieu du terrain. Les défenseurs, pantois, tentent de suivre le mouvement et se demandent s’il faut rester avec Iniesta ou suivre David Villa, l’attaquant de Barcelone, qui commençait à s’échapper devant eux. Ce moment d’indécision ouvre un espace qui permet à Xavi de surgir dans la surface de réparation. Iniesta lui passe alors la balle en profondeur, transperçant le rideau de quatre défenseurs devant lui, une passe hors de portée des deux défenseurs situés entre ce premier groupe et Xavi. Mais la balle frappe, peut-être par accident, Xavi sur le talon et, peut-être encore par accident, ce dernier la propulse dans les airs, au-dessus de sa tête et la récupère, alors qu’il a repris sa course et se trouve à présent à deux mètres du gardien, avec le devant du même pied qu’il avait utilisé pour la talonnade, et la renvoie en l’air, cette fois au-dessus du gardien et dans les filets, le tout sans qu’elle ait touché le sol. C’est un geste incroyable et, après le match, l’entraîneur de Madrid, Jose Mourinho confessa que la méthode offensive de Barcelone avait rendu Madrid «impuissant».
Hors du terrain
Bien sûr, il y a derrière cette magie une mécanique financière bien huilée. Une des choses les plus étranges à propos de Barcelone est la manière dont sa titanesque subdivision marketing cannibalise les réussites du club tout en les permettant. Barcelone est més que un club, plus qu’un club, comme le dit son slogan, car il tente de maintenir son statut, tant esthétique que comme pilier affirmé de la culture catalane. (Sous Franco, alors que l’identité régionale catalane était étouffée, le stade faisait partie des rares lieux où le catalan pouvait être parlé en public.) Mais si Barcelone parvient à maintenir son niveau d’excellence, cela est dû pour l’essentiel au fait que cette identité du mès que un club est une marque lucrative – le club a gagné près de 450 millions d’euros l’an dernier grâce à ses belles histoires de gamins sortis de son centre de formation et de vertu bien emballée – qui lui permet de rester dans la course face à ses concurrents aux pieds d’argile. Le club est parfois pris pour cible pour son hypocrisie, qui ne détonnerait pourtant pas chez Manchester United, par exemple, en vendant son t-shirt à un sponsor pour la première fois cette année ou en ayant appuyé la candidature du Qatar à la Coupe du Monde. Le paradoxe tient naturellement au fait que si vous souhaitez utiliser Messi afin de promouvoir une forme d’enrichissement culturel qui transcende le football, il faut naturellement pouvoir vous payer Messi, ce qui vous pousse parfois à promener votre étalon blanc afin d’en obtenir des formes d’enrichissement plus matériels.
Le monde est ainsi fait et cet échange permanent entre le commerce et la joie, le sentimentalisme et le vol, entre l’ébahissement authentique et les Bridgestone Awesome MomentsTM, est la marque du sport moderne. Mais au moins, Barcelone parvient à jongler entre ces extrêmes avec un aplomb supérieur à la moyenne. C’est un des tours que le club arrive à jouer alors qu’il semble planer au dessus du reste, tout en maintenant son équilibre et en proposant son spectacle inoubliable.
Brian Phillips
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